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Ce jeudi

Je me souviendrai à jamais et pour toujours de cet instant irréel au-delà de tout ce que j’aurais pu imaginer. Un coup de poignard en plein cœur.

Le truc important à ce moment-là était ce que j’avais ressenti dans mes tripes, dans ma tête et dans tout mon corps.

C’était un jeudi. Un simple jeudi comme tant d’autres. Je m’étais réveillée, avait mis la radio, écouté sans vraiment y faire attention les infos, pendant que je préparais le café tout en caressant mon chien Nafnaf. Un jeudi tout à fait ordinaire. Le même soleil depuis trois semaines, la même chaleur et la même rame de métro à prendre. Le même sac à main avec toujours le même livre dans lequel je n’avançais pas sans savoir pourquoi. La même paire de sandalettes, celle que je pouvais porter pendant des heures. Bref, je le redis une fois de plus, un jeudi rien de plus ordinaire. Le même métro bondé, la même place et les mêmes gens. Mon jeudi habituel, rassurant quelque part.

Il a fallu d’une fraction de seconde que je lève la tête à la page cent trente-huit de mon bouquin, je le sais c’est une chose que je fais instinctivement, voir où j’en suis dans ce livre qui me donne l’impression de reculer. Il faudrait peut-être que j’en change. Une fraction de seconde pour que soudain…

Soudain, nos regards se sont croisés, mais pas seulement, ils se sont accrochés, fixés, rivés l’un à l’autre. Un temps plus ou moins long d’une longueur plus ou moins courte. Impossible encore aujourd’hui de savoir.

Et tout s’est arrêté.

Il n’y avait plus de rames de métro.

Plus de voyageurs.

Ne persistaient que nos regards.

Je suis encore incapable de vous dire encore à l’heure actuelle s’il s’agissait d’un bel homme, d’une femme. Je ne me souviens de rien, mais tout mon corps tremble encore de cet instant si singulier.

Un fil d’Ariane s’était établi entre nos deux regards. Je pouvais le voir. Un fil d’argent tendu entre nous deux, souple et soyeux. Il paraissait délicat, fragile et si fort en même temps.

Et puis soudain, tout s’est enchainé.

J’ai senti ses lèvres sur les miennes. Chaudes et sucrées, mielleuses. Ma langue est partie à la rencontre de la sienne. Elles se cajolaient, se caressaient, se jouaient l’une de l’autre.

Alors que je devenais cramoisie, je n’avais pas vu qu’une de ses mains était descendue vers ma poitrine, et écartant mon corsage, venait de se poser sur mon sein pour en titiller la pointe tendue, déjà tout excitée par ce simple baiser.

Je me sentais liquéfiée, ma petite culotte trempée par le désir impérieux d’aller plus loin.

Et c’est ce qu’il se passa.

Dans ma tête des images somptueuses à non pas faire rosir, mais rougir, n’importe quelle femme se présentait à moi. Ma respiration se faisait plus rapide, ample, plus forte. Mon cœur lui aussi s’accélérait.

Je me trouvais transporté dans un ailleurs sidéral. Un univers qui n’existe que là où il n’existe pas.

Tout était scintillant. Un vrai feu d’artifice dans mon crâne.

Je percevais dans ma masse cérébrale les va-et-vient de son sexe dans le mien.

Je n’étais plus qu’un orgasme intensément puissant et dévastateur, un tsunami du regard.

Je n’ose vous en décrire plus parce que tout cela est de l’ordre du ressenti, du vécu, mais je peux vous assurez que c’était… indescriptible en fait, mais tellement bon à vivre, à percevoir au fond de moi, dans mon intime, dans toutes mes cellules. Une véritable symphonie de sensations sensuelles extrêmement exceptionnelles.

Peu à peu, j’ai senti la brillance s’amoindrir. Je n’ai plus vu ce fil d’Ariane.

Peu à peu, le bruit sourd de la rame a repris une intensité allant croissante dans mes oreilles.

J’aurais voulu tout stopper, mais je savais que cela était inutile.

Peu à peu, j’ai repris conscience de là où j’étais.

Les gens s’agitaient pour sortir à leur station.

Et moi je restais avec mon orgasme, complètement anéantie, épuisée, assise sur mon siège.

Un bras m’a tendu le livre que j’avais dû laisser échapper.

Sans rien dire ni regarder, je l’ai attrapé en remerciant la personne et c’est là que j’ai entendu une voix surréelle me dire :

« Merci à vous, c’était magique »

J’ai levé la tête, mais il n’y avait que la cohue devant moi.

Ce jour-là, ce simple jeudi, j’ai loupé ma station.

Et quand je repense à ce jeudi, mon ventre devient un tourbillon de désir, de plaisir.

J’adore depuis très singulièrement faire l’amour les jeudis…

Et j’ai changé de bouquin !

 

Isabelle Vouriot — © texte déposé — 3 octobre 2018

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