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Une journée Arc-en-ciel

 

Se pouvait-il que cet enfant-là qui gambadait dans le parc soit mon enfant, le tien, le nôtre ?

 

Je me souviens de cette période étrange et sombre de ma vie. J’étais déboussolé. J’allais droit au mur. L’héroïne était mon amie, la seule capable de combler un vide, de me faire voir la vie en couleur.

Je me rends compte de la chance que j’ai eu à te rencontrer  à la sortie de cette boulangerie. Je ressens encore en moi la tendresse qui s’échappait de toi. Ce n’était pas par pitié que tu avais coupé la baguette avant de me tendre un quignon de pain tout chaud. C’était un simple geste de partage.

Je suis souvent venu à ta rencontre ensuite. J’aimais te regarder de loin. J’observai cette façon délicate et spéciale que tu avais à replacer tes boucles rousses. Tu n’avais rien d’une sorcière bien au contraire. Tu me paraissais être un ange.

Et puis un jour, pourquoi celui-là et pas un autre, j’ai osé venir vers toi pour te remercier profondément de ce simple bout de pain qui avait réchauffé mon âme entre deux doses.

Tu m’as tout donné ensuite. Et quand je dis tout,  je prends conscience de ce que tu as fait et laissé pour moi.

Nous sommes devenus plus qu’une simple rencontre. Des amis avant d’être amants.

Le parfum de ta peau est à jamais en moi. Il me suffit juste de fermer les yeux pour le retrouver dans une de ces nuits torrides pleines de tendresse et d’émotions.

Tu étais ma nouvelle drogue, côtoyant mon héroïne. Je la délaissais peu à peu pour toi. Tu m’avais donné une force  que je puisais au fond de tes yeux, de ton amour, de ton sexe accueillant, si chaud et si humide.

J’entrevoyais de nouvelles couleurs. La vie me semblait plus légère, plus belle.

J’avais toujours besoin de ta force.

Je n’ai pas su te donner la mienne en retour quand le drame est arrivé dans un moment d’extase sublime.

J’allais être père. Tu ne savais pas comment j’allais réagir. Je me souviens n’avoir pas pipé mot. La peur, l’angoisse, l’amour, la joie, l’incertitude se bousculaient en moi.

Cette fois-là, je t’ai vu perdre pied. Cette maternité te fragilisait, les hormones soi-disant !

Tu étais rayonnante enceinte de cinq mois. J’avais suivi une cure de désintox et le bonheur infini semblait enfin prêt à frapper à ma porte. J’ai bien dit seulement prêt.

Et ce jour…

Celui-là ou nous allions savoir le sexe de notre futur bébé.

Quand tu es revenu de ta consultation, tu m’as regardée droit dans les yeux. J’attendais impatient, quand tout de go tu m’as dit dans ce sourire unique et merveilleux que je ne pourrai jamais oublier :

« J’ai un cancer du sein et nous allons avoir une petite fille »

Je m’étais mis à hurler, pleurer, frapper les murs. J’étais en colère. J’étais de nouveau perdu jusqu’à complétement perdre pieds quand tu m’as dit ne pas vouloir de traitement et poursuivre à terme ta grossesse.

Je t’ai vu mener ce combat pour elle, pour toi, pour nous. Et les vieux démons ont ressurgis peu à peu. J’avais besoin de nouvelles couleurs.

J’ai repris mes anciennes habitudes, retournant rue des Poteaux Noirs, à la recherche d’un dealer. Je ne savais pas ce que je voulais prendre vraiment mais j’en voulais !

Plus tu t’arrondissais dans ce combat, plus je devenais une loque. Tu n’avais pas besoin de moi dans cet état. Je ne te servais à rien du tout.

J’ai rassemblé les dernières gouttes de courage s’il m’en restait et je suis parti, comme un lâche avec juste un mot te disant que je t’aimais plus que tout mais que je ne voulais pas te détruire plus que cette merde de crabe qui te dévorait toujours un peu plus.

Je n’ai plus osé revenir.

Aujourd’hui il fait soleil dans ce parc que tu aimais tant.  J’observe la petite fille aux cheveux roux bouclés et une vague de chaleur me surprend. Si puissante, si intense, si bouleversante que je suis obligé de fermer les yeux pour éviter de pleurer.

Quand je les rouvre enfin la petite fille se tient devant moi et me tend un quignon de pain.

« Bonjour, moi c’est Victoire. Maman et moi on t’as attendu longtemps »

Je sens alors une main venir se poser sur la mienne. Tu es assise sur le banc à mes côtés. Encore plus belle, il irradie de toi quelque chose de fort.

Je me souviendrai à jamais de cette journée. Une journée arc-en-ciel riche de mille couleurs.

 

Isabelle Vouriot

18 janvier 2014 - © texte protégé

 

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