Apaisement d'un jour

Lisbeth n’est plus l’ombre que d’elle-même, plongeant son regard vers le ciel. Lui adresser une prière muette pour retrouver le courage et la bonne humeur qu’il lui fallait retrouver avant d’aller embrasser sa petite fille chérie. La vie n’avait jamais été tendre pour elles deux.

Le père d’Anna s’était tué en moto alors qu’il venait à la rencontre de sa fille. La vie lui avait ôtée ce bonheur et privé de ce même bonheur Lisbeth et Anna. La naissance de sa fille ne s’était pas fait dans l’apaisement qu’elle avait vécu dans ses rêves roses ou bleus. Et voilà que le sort s’acharnait sur eux.

Anna avait maintenant 16 mois. C’était une petite fille pleine de vie, toujours à sourire au monde qui s’ouvrait devant elle. C’était déjà en soi un grand bonheur. Mais voilà ce matin Lisbeth devait absolument se rendre à l’hôpital et n’avait d’autres choix que d’y emmener Anna. Elle aurait pourtant voulu lui éviter tout cela et aurait préférer la conduire à la crèche ou la confier à une amie. Mais comme par hasard ce matin personne n’était disponible et la crèche exceptionnellement fermée. Lisbeth essaya de se faire aussi belle que possible sans vouloir regarder son visage creusé et fatigué par cette chimio qui devait attaquer ce cancer qui doucement la rongeait de l’intérieur.

Lisbeth pris sa fille dans ses bras et lui donna un baiser comme si c’était le dernier. Et c’est sereine qu’elle se rendit à l’hôpital.

Quand elle vit Mylène, l’infirmière qui travaillait ce jour-là elle était contente car elle était presque toujours disponible et souriante. Contrairement à sa collègue qui avait l’air d’avoir avalé un camion dès le matin. Mais bon j’essayais de ne pas la juger, après tout chacun sa vie et ses soucis.

En plus Ana avait déjà vu une fois Mylène et tout se passerait sans doute bien.

Après les bilans habituels qui allaient décidés si oui ou non chimio et doses, Mylène vint la voir pour l’avertir que sa cancérologue habituelle était en congé maternité et qu’un nouveau cancérologue allait la prendre en charge. Rien de tout cela n’était fait pour apaiser Lisbeth qui se dit que décidément, aujourd’hui n’était pas son jour. Mylène avait beau lui assurer qu’il était compétent et jeune, rien n’y fit. Alors Mylène se tut avant d’ajouter une dernière info et s’en alla en souriant. Vraiment pas de quoi rire pourtant !!

Alors qu’elle jouait avec Lisbeth dans la grande salle commune, elle vit passer un homme d’une bonne trentaine d’années environ. Leurs regards se sont croisés dans un bonjour général. C’est alors que Lisbeth se senti mal à pâlir encore plus. Mylène s’en aperçut et lui demanda ce qu’il se passait mais Lisbeth lui fit comprendre de la tête que tout allait bien. Pourtant Lisbeth savait que non rien n’allait plus depuis cinq minutes… Comment faire quand un coup de foudre vous prend là soudain en presque séances de chimio ? Que vous vous sentez moche pour le coup et complétement vieille ?

Elle n’avait qu’une seule envie, d’en finir avec cette journée.

Mylène lui dit de la suivre pour aller voir le nouveau médecin. Elle la fit entrer avant de lui faire un clin d’œil dans un grand sourire.

Quand il releva la tête de son dossier médical, probablement le sien, et que leurs regards se croisèrent à nouveau, Lisbeth se senti rougir, trop fort, bien trop vite.

Le médecin fit comme s’il n’avait rien vu et fit sa consultation de manière très professionnelle. Il lui expliqua que les résultats étaient bons, qu’il fallait absolument rester optimiste, croire en la vie, croise au hasard.

Lisbeth écoutait à peine ses paroles, parti dans un ailleurs.

Quand il referma son dossier médical dans un bruit sec, elle sursauta avant de se lever.

«  Vous savez, lui dit-il, je n’ai pas le droit d’avoir des relations autres que professionnelles avec mes patientes. Je vous revois dans 15 jours et peut-être qu’ensuite je vous dirigerais vers un de mes confrères tout aussi compétents. J’ai envie simplement de vous revoir dans d’autres circonstances. Je vous donne mon numéro de téléphone si par hasard votre santé vous inquiétait, n’hésitez pas à m’appeler surtout. Qu’en pensez-vous ? »

Lisbeth resta muette en faisant un oui de la tête.

Elle ne comprenait pas comment un bel homme comme lui pouvait soudain s’intéresser à une femme atteinte d’un cancer. Elle qui se trouvait particulièrement moche et triste en ce moment.

Ce qu’elle ne pouvait pas savoir c’est que Mathieu, et oui c’était son nom, avait eu lui aussi sa part de tristesse dans ce monde, qu’il avait vu au fond des yeux de Lisbeth ce petit quelque chose qui l’avait fait craqué. Il avait décidé vite et bien sachant la vie fragile et courte.

C’est dans un doux apaisement que Lisbeth embrassa sa fille avant de rentrer chez elle, le visage éclairé d’une nouvelle lumière intérieure.

C’est dans le même apaisement que Mathieu continua ses visites à soutenir ses patients. Lui savait ce que Lisbeth ne savait pas encore.

Qu’une nouvelle vie à trois se profilait sur la route de leur avenir.

 

Isabelle Vouriot

25 Août 2014 - © texte modifié

 

 

 

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