Peut-être un jour...

Quel bonheur ce fut ce matin-là de te faire la surprise de ma présence ! Mais quelle angoisse aussi ! Je me demandais comment tu allais réagir. Si tu allais me faire entrer ou me mettre dehors. Je n’ai pas osé braquer mes yeux tout de suite sur toi. Je voulais sans doute te laisser le temps de digérer mon existence exit mon regard.

Et puis tu as prononcé mon prénom. Dans ta bouche, il avait comme un goût de miel, apaisant, réconfortant. Je me suis permis enfin de lever mes yeux vers les tiens. J’y ai vu un sourire tout comme sur tes lèvres. Tu as de nouveau articulé mon prénom et nos mains ont de suite retrouvé le chemin qui menait vers l’autre.

Le silence bref fut intense.

Il y avait tant de choses que j’aurai aimé te dire ce jour-là.

Tant de choses qui auraient pu t’effrayer que je n’ai rien dit.

J’osais à peine te dévisager alors que je ne rêvais que de plonger dans tes yeux sombres. Une fois de plus, j’avais peur de ne rien pouvoir y lire. Pourtant il me semblait y découvrir une petite lueur… peut-être avais-je voulu tout simplement la voir, ainsi avais-je du mal à te regarder en face, préférant les trois quarts ou à moitié tourné. C’est fou ce qu’il peut se passer dans le cerveau d’une femme ! Et dans le tien que se tramait-il ?

J’avais l’envie de caresser ton visage, que tu effleures le mien. Comme avant. Tout en douceur, pour faire battre nos cœurs.

Ni l’un ni l’autre ne l’avons fait, comme si nous avions d’emblée mis une barrière de sécurité pour ne pas troubler ces premières et peut-être dernières retrouvailles.

Et puis en fin de compte, nous nous sommes libérés par les mots, enfin, surtout moi. Il a presque fallu que je t’arrache les tiens. Je t’ai fait rire aussi. C’était simple. C’était bon. C’était comme autrefois, mais ça ne l’était plus vraiment. Je t’ai également fait lire une longue, très longue lettre. Et à mon grand étonnement, tu l’as parcouru entièrement. Je crois que tu avais compris que de toute façon tu ne pouvais y échapper. Je ne sais pas si tu as enfin saisi et surtout ressenti tout ce que j’avais pu endurer comme souffrance dans mon cœur, dans mon corps et dans ma tête. Sans doute une petite partie.

Tu m’as à ce moment-là soufflé que tu t’attendais à ce que je débarque un jour comme ça chez toi. Je me souviens t’avoir répondu que tu m’avais inconsciemment appelé. Et ce jour-là en allant vers toi, j’ai eu plusieurs signes. Alors dans ma voiture, je souriais, comme apaisé par cette évidence. Je t’ai raconté tout cela et tu as ri. Tu es bien trop rationnel pour croire à tout cela. Et pourtant…

Et mon torse a retrouvé le tien.

Comme pour laver ces blessures que nous nous étions faites bien involontairement. Chacun pensant agir au mieux pour soi, pour l’autre. J’aurais aimé rester comme cela à me sentir bercé par tes bras pour une durée infinie.

Mais je ne pouvais te kidnapper ainsi plus longtemps. Je le savais et je devais te rendre à ton présent.

Ce fut dur alors de te dire non pas adieu, mais au revoir. Car cet au revoir pouvait être un adieu bien que tu m’aies promis de me faire la surprise de m’écrire quand je m’y attendrai le moins. Nous sommes embrassés sagement comme des amis… sur les joues. Plusieurs fois. Je n’ai jamais osé poser mes yeux sur tes lèvres.

À ce jour, je n’ai toujours pas eu ce bonheur. Ni de te lire ni de t’entendre. De nouveau, tu es retourné aux abonnés absents et j’ai peur.

Peur d’apprendre un jour, ta mort, mais trop tard.

Alors je prie pour que la mort ne vienne pas me chercher avant de t’avoir retrouvé une nouvelle fois.

Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai… d’amour ou d’amitié… qu’importe.

 

Isabelle Vouriot — 7 juillet 2018 — © texte déposé

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