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À un homme que j’ai aimé, avant…

Je n’avais rien vu venir. Juste entendu un bruit comme une porte qui claque et puis surtout la chaleur sur ma joue. J’avais perçu ma main qui la frottait pour en atténuer la brûlure.

Je n’arrivais même pas à pleurer. Je te regardais hagard.

Comment avais-tu me faire cela ?

Pour une simple question d’opinion !

Oh bien sûr tu t’étais excusé. Tu étais fatigué et tu ne comprenais pas toi-même comment tu avais pu me gifler.

Tu avais l’air si perdu d’un coup. Je t’aimais tellement que j’avais essayé d’oublier.

La vie avait repris son cours.

J’étais enceinte de six mois quand la deuxième était arrivée. Celle-là non plus je ne l’avais pas vu venir. Mais je l’avais sentie plus puissante que la première, plus humiliante.

Je me suis souvenue alors de ce que m’avait énoncé un jour une amie : qui frappe une femme un jour la frappera toujours.

Sans travail, sans autre toit que le nôtre. Que pouvais-je bien faire ?

Je m’étais dit que ce devait être ma faute. Peut-être n’étais-je pas assez cool, aimante, femme d’intérieur… En fait, je n’en savais rien. J’essayais de te trouver des excuses en me dévalorisant. Je ne l’avais pas encore compris à cet instant.

Et le bonheur de la naissance de notre petit Enzo m’avait emporté sur une autre planète. Après tout, nous nous aimions et c’était le plus important.

Je voyais bien pourtant que tu avais de plus en plus de mal à canaliser ton impatience quand Enzo pleurait, qu’il ne faisait pas ses nuits. Le matin, tu étais odieux avec moi, mais pas seulement, avec Enzo aussi que tu ne voulais pas embrasser, car il n’avait pas été un bon petit garçon.

Mais ce n’était qu’un bébé. Tous les bébés pleurent. J’essayais de te faire comprendre que tout était normal, qu’il allait grandir et que tout irait mieux. Mais tu me rabaissais en me disant que tout était ma faute, que j’étais une mauvaise mère.

Tu ne me frappais plus, mais pour moi c’était encore pire. Et plus j’essayais de bien faire et plus tu m’enfonçais.

Jusqu’à ce fameux soir où Enzo n’arrivait pas à se calmer. Il faisait ses dents. Tu le savais ce n’était pas la première fois. Mais pour je ne sais quelle obscure raison, tout avait dérapé. Tu m’avais attrapé violemment par le bras alors que je berçais Enzo. Je le serrais contre moi. Je ne voulais pas qu’il ressente la violence de son père. Avant que je comprenne quoi que ce soit, j’ai rencontré le mur, le sol. Je percevais tes coups dans mon dos. Je continuais à protéger Enzo. Je m’étais mise en position fœtale pour lui faire un cocon. Et j’avais attendu que la rage en toi se calme. Cela m’a semblait être une éternité. J’avais peur ! Non pas de mourir, mais que tu restes alors seul avec Enzo.

Quand tu étais sorti pour retrouver une dignité, et c’était tes mots, je me suis de suite rendu aux urgences. J’avais appelé mon meilleur ami et son épouse. J’avais honte, mais je voulais qu’ils me gardent Enzo le temps de… je ne savais pas en fait.

Après avoir parlé avec les médecins, l’assistance sociale, la psychologue, j’avais alors porté plainte pour coups et blessures. Tu ne me l’as jamais pardonné.

J’étais rentré à la maison pensant que cela te calmerait, mais au contraire ça n’avait fait qu’amplifier ton problème.

Alors un matin, j’avais pris Enzo avant de passer à la gendarmerie pour les informer que je quittais le domicile familial. J’avais déposé une nouvelle plainte pour le même motif.

Après s’en est suivie une longue période de démarches pour le divorce. J’avais essayé de te faire enlever ton droit parental, mais tu n’avais jamais touché à Enzo, une chance pour lui, mais une malchance pour moi, car tu étais toujours relié à nous par son intermédiaire.

Pourquoi cette lettre aujourd’hui ?

Parce qu’on vient de me faire part de ton décès et malgré tout l’amour que j’avais eu pour toi, la haine avait pris le pas et je me suis détestée pour cela.

Maintenant, je vais pouvoir apprendre à vivre sereinement et peut-être à faire de nouveau confiance à un homme et donner à Enzo une autre image de ce que doit être un homme, un père.

Puisses-tu nonobstant trouver la paix où que tu sois.

 

Isabelle Vouriot - ©texte déposé – 25 juillet 2018

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